Poèmes simplifiés
[Sans titre VI]
Jamais entendu, jamais vu
le sourire de nos chimères
le chant alterné des sirènes
ou la licorne au front cornu.
Jamais vu par les yeux d’enfants
ouverts grands, tout grands
au bord des falaises.
Jamais regardé, jamais écouté
le chant du vent dans les marais,
le rire du ciel au creux des étangs,
jamais écouté par les hommes froids
habitués à rire
sans savoir de quoi.
Jamais vu, jamais entendu
les anges jouant sur la double harpe,
les sylphes dormant que le faune attrape,
Narcisse au bois se baignant nu.
Jamais entendu par qui vivre voudrait,
par les professeurs le doigt étendu
pour tourner la page épaisse du livre.
Jamais écouté, jamais regardé
l’arc-en-ciel des feux dans la mare d’huile,
l’aube blanche et bleue au bord des forêts,
la flamme et la lampe et la mer ardente,
jamais regardé par les enfants tristes
qui trempent leurs mains dans de l’eau bénite.
Jean-Charles Pichon
1944