LES JOURS ET LES NUITS DU COSMOS – CONCLUSION

CONCLUSION

 

Au terme de notre étude, pouvons-nous définir le « retour éternel » ? Mathématiquement, je le pense ; spirituellement, moins que jamais. Nous avons vu que pour les bouddhistes et les chrétiens de l’ère des Poissons, le Retour se présentait comme une saisie ou un rejet de l’Universel ; pour les Israélites du Royaume, comme un don et un retrait de Dieu ; pour les prêtres-rois du Taureau, comme une création ou une destruction immanentes et concrètes ; pour les témoins des Gémeaux, comme une dialectique élémentaire ; pour les Sages de l’ère cancérique, comme une préhension ou une appréhension de la réalité — et l’on peut croire que pour les Celtes, les Perses, les Huns, les Mongols, il ne fut que la victoire périodique, renouvelée, de la lumière sur les ténèbres.

Qu’est-ce donc ? Une alternance du jour et de la nuit ? Un reploiement du temps sur soi-même ? Un va et vient où des démons joueurs se complaisent ? La création d’un Etre qui nous rêve et nous oublie, comme le romancier rêve et quitte son héros ? La main sans cesse offerte et retirée d’un Juge ? Une immense Passion qui se lasserait d’aimer ? C’est à la fois tout cela — et autre chose puisque, demain, les hommes du Verseau inventeront pour l’exprimer une autre image, tout aussi vraie, tout aussi fausse.

Or, l’important n’est pas l’exactitude ou la fausseté de l’image (car, mythiquement, il n’est de vérité que temporelle : nos erreurs d’aujourd’hui furent vérités hier ou le seront demain) ; mais, très précisément, son efficacité. En effet, plus nous avons avancé dans notre recherche, plus clairement nous est apparu que ces images mythiques, les Symboles, sont doués d’une existence propre, de pouvoirs de survie, de communication, d’envoûtement indéniables, dès l’instant qu’ils s’inscrivent dans une courbe donnée, rythme adapté au temps où ils s’exercent et pourtant harmonique à d’autres temps, où coexistent d’autres Mythes, eux-mêmes soumis aux Lois de l’Univers — ensemble de tous les rythmes et de tous les rapports. Si bien que le « principe de causalité », fût-ce sous sa forme la plus naïve, n’était pas faux, mais insuffisant, tronqué.

Voici cependant l’instant de distinguer entre ce « rationalisme d’hier » et les tendances contemporaines des sciences, moins « réalistes » qu’on ne l’imagine. A la superstition du fait, le biologiste et le physicien, comme l’historien et l’ethnologue, ont substitué la notion d’information, infiniment plus subtile. Ce sont des informations que la macromolécule communique aux cellules vivantes, et ce sont de même des informations que le chimiste et l’ethnologue recueillent au terme de leurs recherches. Il y a là plus qu’un jeu de mots : l’indice d’une véritable identification entre la relativité de nos connaissances et la relativité des lois et des principes aux quels se soumettrait le Réel même.

Nous croyons savoir qu’il en est ainsi ; et, d’une certaine manière, une réalité relative et temporelle ne fait également que croire en sa propre existence. Ces « informations » ne sont pas éloignées des « monades » leibniziennes. Encore un pas, et nous devrons reconnaître que les plus hauts penseurs : Platon, Saint Jean et Marc-Aurèle, Saint Thomas, Saint Albert et Spinoza, Leibniz, Edgar Poe, Nietzsche ne s’y trompaient pas : ce n’est pas la Raison qui crée les Mythes ; ce ne sont même pas les peuples ; et ce qu’ils créent — philosophies, divertissements, techniques — n’influence qu’accessoirement leur évolution réelle. Car, dépouillée de l’anecdote (le récit renouvelé des guerres), l’Histoire évolutive de l’homme se réduit à quelques thèmes sacrés — six en douze millénaires — que l’humanité périodiquement s’efforce de s’assimiler et de matérialiser dans des œuvres durables.

Quant aux grands guides rationalistes qui, d’Aristote à Sartre, en passant par Houang Ti, Auguste, Torquemada, Descartes et Loyola, Karl Marx et Ford, ont tenté de justifier le processus inverse, par l’aberrante notion de « progrès planifié », je ne vois pas qu’ils aient fait autre chose que beaucoup de mal, provocant les conflits, fanatisant les masses, enorgueillissant l’homme et le désespérant. L’essence ne précède pas et ne suit pas l’existence. L’essence est l’existence : là où elle fait défaut (lorsqu’on lui substitue des valeurs planifiantes, référentielles), le vivant doit renoncer à être ; il ne peut plus que subsister — peu de temps !

Mais toute existence est conditionnée par sa propre forme, et toute forme par ses limites : le contenu par le contenant. De même, toute « essence » ne peut être conçue que comme un rapport, un lien du contenant au contenu ; à tel point que la croyance en l’Essentiel a toujours entraîné une foi panthéistique (Marc-Aurèle, Spinoza, Poe, Nietzsche) ou universaliste, Dieu étant l’Ame des âmes ou le Registre des Idées (Platon, Saint Thomas, Leibniz, Bergson), c’est-à-dire une conscience aiguë et permanente des rapports de la partie au tout. Nécessairement contenu, l’Etre n’a d’autre choix que d’accepter l’osmose ou la refuser ; et c’est en fait le sens du millénaire conflit entre les mystiques d’une part, les rationalistes de l’autre.

Cependant, le combat n’est jamais égal, ni son issue douteuse. Dans les époques d’étroite soumission au cosmos (où vit le Dieu), le rationaliste n’a guère de chance d’être entendu : on le tuera comme l’incarnation du Mal, ou bien on l’exposera sur la place publique, en témoignage de ce qu’est un « possédé », un « exclu ». Dans les époques où l’homme est libéré de l’influence cosmique (où meurt le Dieu ancien, où germe le Dieu nouveau), le mystique sera considéré comme « aliéné » et soigné (ou rejeté) comme tel. Et cela est bien et juste, car le mystique ici, le rationaliste là, sont réellement « autres », aliénés, séparés ; ils vivent ailleurs que dans leur temps.

 

Liberté ou puissance

Une différence, toutefois — et singulière ! Les époques mystiques sont précisément celles où naissent les œuvres les plus originales, où s’imposent les plus puissantes personnalités ; les époques matérialistes, dites « de liberté », celles où les lois sociales imposent aux hommes la plus manifeste uniformité — jusqu’à l’instant, fatal pour eux, où ils ne présentent plus nul caractère individuel. Aux créateurs géniaux des ziggourats, des pyramides, que l’on compare le morne peuple assyrien ; aux prophètes d’Israël les mornes écrits romains ; aux cathédrales, aux œuvres des bouddhistes chinois, aux statuettes toltèques, l’architecture des H.L.M. et des buildings américains. A quel point tous les hommes devaient se ressembler à l’époque de la toge et des Jeux dans le cirque, nous pouvons en juger à l’époque du veston et de la consécration de Monsieur Tout-le-monde par le jeu télévisé.

Ainsi tombe le dernier argument opposé au mythe du Retour : admettre la loi des cycles, n’est-ce pas dénier à l’homme toute liberté ? Cet argument n’est jamais démontré, et l’on imagine mal comment il pourrait l’être. Qu’on admette ou refuse les Cycles, voit-on survivre éternellement une religion, un empire ? Voit-on un homme survivre ?

Ne sommes-nous pas liés au même rythme de vie, de la naissance à la mort, et ne vivons-nous pas en le sachant ? Cette âpre connaissance nous empêcherait-elle de jouir, de procréer et de créer, de vouloir ? Pourquoi donc une cité, un peuple cesseraient-ils de s’épanouir et d’accomplir leur tâche en sachant que la loi de toute chose est la leur ? Mais il ne semble pas qu’une nation s’épanouisse en l’ignorant.

Mircéa Eliade l’a remarqué : « L’homme des civilisations archaïques est libre à tout moment de n’être plus ce qu’il fut, libre d’annuler sa propre « histoire » par l’abolition périodique du temps et la régénération collective[1]. » Et cela est vrai pour tous les hommes de la tribu. Au contraire, « la liberté de faire l’histoire, dont se targue l’homme moderne est illusoire pour la quasi-totalité du genre humain[2] ». Car ce n’est pas au temps du Royaume (Israël, Moyen Age chrétien) que s’imposent les Dictateurs, c’est au temps de la chute de Sumer, dans le sage monde hellénistique — ou dans notre siècle raisonnable[3].

En effet, quoi qu’on pense de l’éternel retour, il reste que toutes les époques, et celles-là mêmes où on le nie, y demeurent liées et soumises : les Instructions des pyramides ou les écrits de Pline l’Ancien, entre autres, sont là pour le prouver. Sans doute les Egyptiens du IIIe millénaire et les Romains du Ier siècle n’avaient-ils pas conquis l’espace ni désintégré la matière. Ils n’en étaient pas moins assurés de survivre ; et leurs cités, leurs traditions et leurs cultures n’en furent pas moins détruites, inexplicablement, comme soufflées par le verbe d’un vieillard irascible ou d’un jeune crucifié.

Tous les esprits ne sont pas mûrs pour cette révélation ; il en est qui préfèrent penser que l’évolution humaine fut l’œuvre des grands empires techniques et combattants : hittite, assyrien, romain ou espagnol. Rêvent-ils ce cauchemar : que la cruauté d’Assour ou le sadisme romain n’aient jamais eu de terme ?

Toutes les sociétés « rationalistes » ne sont pas cruelles ou sadiques ? Sans doute. Le mal qu’elles accomplissent par vertu n’en est pas moins grand. Notre tolérance et notre humanisme, pusillanimes jusqu’à la mièvrerie, hygiéniques jusqu’à la nausée, ont déjà fait pousser les champignons géants d’Hiroshima et de Nagasaki ; ils cultivent d’autres démons. Qu’est-ce qui permet le Fléau ? C’est qu’il fut nié.

En un temps, le début du XIXe siècle, où il y avait quelque mérite à s’en souvenir, Joseph de Maistre le rappelait expressément : « Les savants européens sont dans ce moment des espèces de conjurés ou d’initiés, ou comme il plaira de les appeler, qui ont fait de la science un monopole et qui ne veulent pas absolument qu’on sache plus ou autrement qu’eux. Mais cette science sera incessamment honnie par une postérité illuminée qui accusera justement les adeptes d’aujourd’hui de n’avoir pas su tirer des vérités que Dieu leur avait livrées les conséquences les plus précieuses pour l’homme[4]. »

Plus nettement, quatre-vingts ans plus tard, Nietzsche le redisait en une formule terrible : « Voyez, dans l’évolution d’un peuple, les époques où le savant passe au premier plan : ce sont des époques de fatigue, souvent de crépuscule, de déclin — c’en est fait de l’énergie débordante, de la certitude de vie, de la certitude d’avenir[5]. »

Le merveilleux est que, bon gré mal gré (et contre l’homme lui-même, qui se cramponne), ces périodes passent et l’homme se retrouve soumis à l’univers qu’il avait prétendu régir. « Alors, toute la science changera de face : l’esprit, longtemps détrôné et oublié, reprendra sa place. Il sera démontré que les traditions antiques sont toutes vraies, que le Paganisme entier n’est qu’un système de vérités corrompues et déplacées ; qu’il suffit de les nettoyer pour ainsi dire et de les remettre à leur place pour les voir briller de tous leurs rayons[6]. »

La prédiction n’était pas des plus banales au temps du premier Empire ; elle le serait aujourd’hui, où nous voyons de Broglie, Heisenberg lui faire écho : « L’espace dans lequel l’homme se développe en tant qu’être spirituel a plus de dimensions que celle-ci seule où son activité s’est déployée au cours des derniers siècles. On pourrait en conclure que, après de longues périodes, l’acceptation consciente de cette limite conduit à une certaine stabilisation où les connaissances et les forces créatrices de l’homme s’ordonnent d’elles-mêmes autour d’un centre commun[7]. » Ce centre, il na saurait être le concept de « quantité » par lequel un Louis Armand prétend remplacer la Forme, pas plus que le démon Légion n’eût suppléé à l’espoir suscité par le Logos[8]. Des « philosophes » le croient encore ; on doit les plaindre, quand le biologiste ne le croit plus.



[1] Mircéa ELIADE, Le mythe de l’éternel retour.

[2] Idem.

[3] Pour ne point parler de cette autre espèce de dictature qu’exerce le « technicien initié » (architectes égyptiens et sumériens du IIIe millénaire, médecins, rhéteurs, navigateurs du Ier siècle avant J.-C. ; physiciens, biologistes, etc., de nos jours).

[4] J. DE MAISTRE, Les soirées de Saint-Pétersbourg, (1809).

[5] Frédéric NIETZSCHE, La Généalogie de la Morale, (1887).

[6] Joseph DE MAISTRE, opus cité.

[7] W. HEISENBERG, La nature dans la physique contemporaine. C’est également la « révélation » de TEILHARD DE CHARDIN : « Par jeu conjugué de deux courbures, toutes deux de nature cosmique — l’une physique (rondeur de la Terre), et l’autre psychique (l’attraction du Réfléchi sur lui-même) —, l’Humanité se trouve prise, ainsi qu’en un engrenage, au cœur d’un « vortex » toujours accéléré de totalisation sur elle-même » (La place de l’homme dans la nature, le groupe zoologique humain, Albin Michel, 1956).

[8] LOUIS ARMAND, de l’Académie Française, Plaidoyer pour l’Avenir.

 

[…]

 

Dieu

Le rationaliste cherche la Vérité. Le mystique pressent qu’elle peut se trouver, mais qu’elle ne se cherche pas, comme si l’action même du chercheur interdisait de la saisir entière. Car il chemine et ne voit pas ce qui demeure ; ou il s’arrête pour observer — et ne voit pas que tout continue. Il s’ensuit que le Réel n’est pas nommable, qu’à l’échelle du raisonnement il n’existe pas — et que chacun peut le créer, en le nommant.

Ou bien cette création se soumet au mouvement de l’évolution ; alors, elle est fructueuse, bonne et durable. Ou bien, elle ne s’y soumet pas, soit anachronique, soit prématurée et son échec démontre son erreur. Donc, il convient d’abord de garder les yeux ouverts et l’esprit libre. « Ayez toujours de l’huile dans votre lampe, disait Jésus à Marie, sœur de Marthe, pour être prête quand l’heure viendra. » Et Mahomet, plus présentement encore : « Là où tu tournes les yeux, là est la face d’Allah. »

Donc, aussi, s’oublier soi-même. « Toutes les catastrophes, toutes les souffrances, tous les dangers qui menacent le monde trouvent leur source dans l’attachement au Moi, pourquoi y rester attaché ? », dit un texte bouddhique du XVIIe siècle. Puis, se soustraire aux illusions des sens et de la connaissance rationnelle, car « des murs forment la maison, mais le vide qui s’étend entre eux constitue l’être de la maison »[1]. Se faire regard, absence, accueil. Attendre et voir : consigne suprême de la réalité mystique.

Plus que jamais, voici l’instant de l’appliquer, en cette fin du XXe siècle où, pour la première fois depuis deux millénaires, Dieu peut être conçu hors des mythes qui l’ont incarné (puisque nulle Eglise n’est plus assez forte pour l’y asservir), sans que son Nom soit objet de rire ou de mépris (puisque les temps du matérialisme s’achèvent) ; en ce temps, le nôtre, où quelque nouvel Abraham va pouvoir évoquer Elohim, tous les dieux, quelque Christ prononcer les sublimes paroles : « L’heure vient où l’adorateur n’adorera plus dans un temple ou sur cette montagne, mais en esprit, en vérité[2]. »

Le Dieu qui vient, je ne sais ce qu’il sera, et je Le sers en L’ignorant, en avouant mon ignorance ; mais je sais ce qui peut m’interdire de L’accueillir quand Il sera là : le refus de ma place dans l’Univers, les œillères de l’orgueil, le mutisme de l’égoïsme, les railleries de la vanité. Je crois aussi que tous les hommes, un jour ou l’autre, accèdent à ce pressentiment ; mais c’est pour la plupart au moment de leur mort — trop tard, et non seulement pour eux mais pour les destinées de notre humanité, car il n’est pas de progrès pour elle — pour nous — qui ne soit dans le sens du progrès inimaginable de l’Univers.

Il reste que ces vérités, dures et précises, sont lettre morte pour celui qui ne les a pas organiquement vécues. Quant à celui qui les vit (dans la joie, la puissance que donne l’abandon aux Forces Régulatrices), bien vite aucune action ne lui semble préférable à la naïve prière — que toutes les religions, toutes les hiérophanies, tous les mystiques ont enseignée.

« Kal est l’âme immortelle, connaissance et pensée, il gouverne les vivants, il règne sur les morts ! » proclamait un hymne égyptien du IIIe millénaire avant J.-C. Cinq siècles plus tard, un auteur anonyme du Rig-Véda priait le dieu nouveau (bélique) de se laisser nommer ; Saint Paul s’humiliait de même devant la stèle au Dieu Inconnu et quotidiennement, aujourd’hui, la prière du moine tibétain renouvelle la supplication. L’hindouiste du XVe siècle honorait en Çiva celui qui danse pour la conservation du monde : « Toi qui, au-delà de tout, renfermes tout ! », et Apulée, au second siècle, glorifiait de même Isis en la nommant l’Eternelle Renaissante.

« O Toi qui, avec plus ou moins d’argile blanchâtre, as donné aux hommes différentes couleurs, garde-nous, et nos femmes et nos enfants, sans préférer les hommes rouges aux noirs, les noirs à ceux qui sont plus noirs que la nuit et les hommes pâles à ceux qui sont plus blancs que l’aube », supplient encore certains Indiens (Winnebagos) du Wisconsin.

C’est la prière cachée de l’incantation que je prononçais naguère chaque soir en m’endormant (et dont je puis aujourd’hui seulement rétablir le sens véritable) :

« Père, qui meus les roues du ciel, toi qui donnes le blé, la paix, l’amour et l’œuvre, qu’en tous tes noms ton Nom soit sanctifié ! Qu’une fois encore ton Royaume arrive ! Qu’une fois encore ta Volonté soit faite sur la terre comme elle est faite dans les cieux ! Et qu’il en soit toujours ainsi ! »

Jean-Charles Pichon, 1963


[1] LAO TSEU, le Tao Te King, II.

[2] Selon Jean, IV, 21-24.

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